De nombreux projets d’énergies renouvelables défient l’imagination et le secteur progresse très rapidement mais il reste du chemin pour atteindre les objectifs en matière de réduction des émissions.
Tous les indicateurs montrent que le changement climatique est en marche. Dans ces conditions, de nombreuses nations se mobilisent pour minimiser les impacts inévitables du changement climatique dans un effort unifié pour limiter les dégâts, changer de cap et développer le secteur des énergies renouvelables de toutes les manières imaginables. D’ailleurs, la presse nous offre régulièrement des titres indiquant qu’un pays ou un autre a dépassé un seuil de production d’électricité issu de ses installations de panneaux photovoltaïques ou d’éoliennes par exemple.
Grâce à un marché en croissance et à l’intervention des gouvernements, la trajectoire est clairement orientée dans une direction positive. Peu importe que vous soyez ou non influencé par la politique ou déterminé à croire que le changement climatique n’est pas une menace réelle. Le fait est que de plus en plus d’investissements sont consacrés au photovoltaïque (énergie solaire). Puisque les nombreuses innovations rendent ce mode de production d’énergie renouvelable à la fois plus abordable et plus efficace.
Bien qu’il y ait beaucoup de choses à évoquer pour être exhaustif, cet article couvrira quelques principaux points liés à l’industrie solaire (PV) au moment de la rédaction, en décembre 2020. D’abord, quelle est l’ampleur des projets en cours ? Ensuite, les couts diminuent-ils ? D’autre part, où en sommes-nous avec le stockage par batteries ? Egalement, l’intégration au sein des réseaux électriques est-elle toujours une contrainte ? Et enfin, d’où viennent les financements pour soutenir des projets aussi importants dans le monde entier ?
1. L’échelle des projets explose dans le secteur des énergies renouvelables
L’infrastructure mondiale de production d’électricité est en train de changer. En effet, la capacité à créer et à distribuer de l’énergie a augmenté dans le secteur des énergies renouvelables, ces deux projets mettant en évidence les volumes (1) actuellement en place :
- Projet : parc solaire du désert de Tengger
- Emplacement : Zhongwei, Chine
- Puissance : 1547 Mégawatts
- Cout : inconnu
- Informations complémentaires : Couvre une surface de 43 kilomètres carrés ! En outre, la Chine espère basculer 20 % (ou 35 % selon les sources) de sa production énergétique à partir de sources renouvelables. Ce projet est connu également sous le nom de « The Great Wall of Solar ».
- Projet : installation solaire d’Ivanpah
- Emplacement : San Bernardino, CA US (frontière Nevada/Californie, sur plus de 1600 hectares)
- Puissance : 392 Mégawatts
- Cout : 2,2 MILLIARDS DE DOLLARS (USD)
- Informations complémentaires : fournit de l’électricité à plus de 140 000 foyers.
Prenons de la hauteur
Selon la “Solar Energy Industries Association” (SEIA), il y a actuellement plus de 12 000 projets solaires majeurs en cours aux États-Unis, présentant une capacité de 160 Gigawatts, avec plus de 115 Gigawatts de capacité solaire encore en développement. (2) Pour prendre du recul sur ces chiffres, le réseau américain produit actuellement 1200 Gigawatts sur l’ensemble du territoire américain.
En mars 2020, l’Amérique dispose d’une capacité de production d’environ 1,2 million de Mégawatts. Le gaz naturel (44 %) est la principale source de combustible pour produire l’électricité, suivi par le charbon (21 %). Le nucléaire, l’hydroélectricité et l’éolien représentent ensemble environ un quart de la capacité. L’énergie renouvelable solaire représente actuellement plus de 3 % de la capacité totale. (3)
2. Le cout des modules solaires a drastiquement diminué au cours des dix dernières années
Le ministère américain de l’industrie a commandé des études auprès des grandes universités afin d’expliquer pourquoi et comment ces baisses de prix ont été obtenues. Ainsi, en étudiant les données de 1980-2012, nous constatons une nette réduction de 97 % du cout de l’énergie renouvelable solaire !
Pourquoi ?
Si les forces du marché (une demande forte et continue) sont en grande partie responsables de cette réduction des couts, les baisses de prix des années précédentes ont été provoquées par les politiques gouvernementales destinées à encourager l’industrie. Ces normes, tarifs et subventions ont représenté 60 % de la baisse des prix. Alors que la R&D financée par le gouvernement a contribué à hauteur de 30 % supplémentaires.
Plus récemment, les innovations se sont étendues au-delà de la vente et de la mise en œuvre de la technologie photovoltaïque. La science n’a cessé de pousser la capacité des matériaux à transformer une plus grande partie de l’énergie renouvelable du soleil. Par exemple, ces matériaux ont remplacé les panneaux monocristallins. Effectivement, les progrès technologiques en matière de contrôle de la charge, de montage et de capacité stockage des batteries, ainsi que l’acquisition de données, ont ajouté à la valeur de chaque watt produit et ont considérablement amélioré l’efficacité. (4)
3. Compétitivité accrue du stockage sur batteries
L’efficacité potentielle de la technologie PV n’a jamais vraiment été remise en question. Qui n’approuve pas l’idée de récolter l’énergie renouvelable et gratuite du soleil ? En réalité, la mise en œuvre pratique a toujours été d’un cout prohibitif (par rapport aux solutions classiques), inefficace pendant les périodes sans soleil, ou trop variable pour répondre à la demande. Cela est en train de changer. La technologie s’améliore et les couts diminuent. Comme pour la technologie des cellules photovoltaïques, les innovations en matière de stockage sur batteries sont un ingrédient crucial pour le succès de l’ensemble de l’industrie. Les prévisions actuelles de l’agence internationale pour les énergies renouvelables (International Renewable Energy Agency, IRENA) suggèrent une baisse des prix de 66 % d’ici 2030 ! (5)
Comment le savons-nous ? Cela semble trop beau pour être vrai.
Heureusement, il existe de nombreux indices provenant de l’industrie des transports, dans laquelle le cout des batteries au lithium a diminué de 73 % entre 2010 et 2016. (6) Il ne s’agit pas de technologies entièrement équivalentes (le cout de la main-d’œuvre pour l’installation de batterie permanente est généralement plus élevé que pour les véhicules) mais la technologie des batteries rechargeables à flux peut augmenter la durée de vie de 10 000 cycles supplémentaires ! Il s’agit d’une augmentation de 90 % du nombre de cycles et de 50 % de la durée de vie. À long terme, cette amélioration de capacité fera certainement baisser les couts globaux de tous les projets d’énergie renouvelable, malgré les couts de main-d’œuvre traditionnellement plus élevés associés à l’installation et à la maintenance de cette technologie.
Des projets de grande envergure
Au-delà du stockage distribué (autrefois le point crucial pour une mise en œuvre réussie du stockage photovoltaïque), des projets de grande capacité de stockage sont maintenant en cours, par exemple à Geelong, Victoria, Australie (à proximité de Melbourne). Sur une surface équivalente à un terrain de football, ce partenariat entre AusNet, Tesla et NeoEn utilisera 210 Tesla Megapacks pour créer un générateur d’électricité de 300 MW. Cette installation est appelée, à juste titre, « The Victorian Big Battery ». (7) Pour mettre les choses en perspective, cela permet d’alimenter un million de maisons dans tout l’état de Victoria pendant 30 minutes et autorisera cet état à poursuivre son chemin vers une fourniture d’électricité basée à 50 % sur l’énergie renouvelable d’ici 2030.
D’autre part, l’AEMO (Australian Energy Market Operator) a prédit il y a 4 ans que la capacité de stockage des batteries n’atteindrait que 4 MW d’ici 2020 et rien de plus jusqu’en 2036. Cela s’est avéré être très inexact. En réalité, 287 MW est un chiffre plus précis, lorsque vous combinez tous les projets en exploitation ou à l’étude (8). Cela n’inclut PAS les 300 MW du projet Geelong mentionné ci-dessus.
À titre de comparaison, notez que la capacité solaire installée sur les toitures australiennes est actuellement de 12 GW (12 000 MW).
4. L’intégration des énergies renouvelables dans le réseau est plus facile qu’auparavant
Il y a dix ans à peine, la fiabilité du secteur des énergies renouvelables n’était pas suffisante pour permettre un raccordement efficace à un réseau « traditionnel ». En effet, le réseau a été initialement conçu pour des sources d’énergie peu chères ou de grands projets hydroélectriques. Tout comme le courant continu d’une batterie doit parfois être transformé vers un courant alternatif, les énergies renouvelables sont transportées sous différentes formes : phases, vitesses, puissances et longueurs d’onde. Un exemple dans un autre domaine : dans le bâtiment un électricien au minimum est indispensable pour tout sécuriser.
Imaginez maintenant un grand réseau de plusieurs gigas watts avec des milliers de personnes qui comptent sur une alimentation constante sans interruption. Les limitations technologiques telles que le stockage inadéquat, les modes de transmission incompatibles et les inefficacités générales ont constitué un obstacle majeur à l’utilisation d’un plus grand nombre d’énergies renouvelables aux États-Unis. Le cout était également un facteur important, les combustibles fossiles s’étant avérés à maintes reprises être l’option la moins chère et la plus fiable. Heureusement, la situation a changé.
Afin d’illustrer ce propos, voici une innovation en Europe :
Un nouveau réacteur shunt (juillet 2019) d’une capacité maximale de 440 kV a été installé pour desservir un réseau de 380 kV (contre 110 kV auparavant). La collaboration entre TransnetBW et SPIE démontre ce qu’un partenariat solide peut faire pour favoriser les innovations technologiques permettant d’utiliser davantage de solutions émergentes en matière d’énergies renouvelables. (9)
Un autre moyen de rendre le réseau plus résistant aux perturbations est d’utiliser des batteries de stockage tout au long du transport. Ces batteries agissent comme des générateurs temporaires lorsqu’une interruption dans le réseau se présente. Ils aident ainsi à répondre aux normes de fiabilité dans la région équipée. Cela va au-delà de leur objectif initial qui était de stocker l’énergie excédentaire ou de compenser les périodes où le soleil ne brille pas.
5. Les grands fonds de pension achètent des projets d’énergies renouvelables de grande envergure sous forme « d’actifs »
L’édition 2020 du rapport « Global Landscape of Renewable Energy Finance » souligne toutefois que même si un montant cumulé de 1800 milliards de dollars a été investi au cours de cette période de cinq ans, ce montant est insuffisant pour respecter les engagements mondiaux en matière de climat.
Il n’est pas chose aisée de comprendre le mécanisme financier qui sous-tend les projets mondiaux d’énergie renouvelable. Les gouvernements peuvent être à l’origine de demandes d’investissements tout en offrant de généreuses incitations. Les acheteurs peuvent être incités par des crédits d’impôt, et les initiatives mondiales peuvent définir des objectifs. Selon le dernier rapport de l’IRENA, il y a actuellement 87 000 milliards de dollars US d’actifs mondiaux qui ne sont PAS investis (10).
Quel est le problème ?
Alors que 38 milliards de dollars d’obligations vertes (financièrement lucratives ET socialement responsables) existent dans les portefeuilles, cela représente toujours moins de 1 % de l’ensemble du marché obligataire (100 000 milliards de dollars). L’écart est impressionnant et ouvre une grande opportunité d’augmenter l’investissement global dans les projets verts. La question demeure : Que font ces 87 000 milliards de dollars « non utilisés » ?
Pourquoi un projet d’énergie renouvelable serait un bon choix pour investir ?
Aussi étrange que cela puisse paraitre, les taux d’intérêt sont si bas que, dans certains cas, les obligations coutent de l’argent plutôt que de permettre d’en gagner. Pardon ? C’est la simple vérité. Les taux d’intérêt négatifs sont bien réels. (11) Il est trop couteux de NE PAS investir cet argent et les investisseurs institutionnels doivent déterminer OÙ placer leurs fonds. Ils doivent jongler avec le risque, les couts de transaction, la complexité, la couverture de risques et toutes les considérations financières possibles.
Mais pourquoi investir dans l’énergie verte ?
D’une part, il y a une demande croissante de la part des investisseurs. Ensuite, les gouvernements ont une énorme capacité de levier (de l’ordre de 3-4x), s’ils détournent stratégiquement l’énergie d’un secteur vers un autre. Les agences intergouvernementales comme l’ONU ou la Banque mondiale ont incité les investisseurs institutionnels à utiliser des instruments financiers qui sont à la fois assurés et plus lucratifs que la détention d’actifs. La Banque mondiale a créé sa propre branche d’assurance (MIGA) pour fournir une solution permettant d’investir dans les économies émergentes lorsque ces pays peuvent respecter des directives spécifiques en matière de développement durable, notamment en ce qui concerne les énergies renouvelables.
Fond “yieldco”
En bref, les investisseurs peuvent désormais ÉVITER les couts de gestion de l’argent, injecter des fonds dans un monde meilleur et posséder ce qui est essentiellement une obligation assurée (la terminologie précise est un fond « yieldco »). Tout cela dans des projets qui visent à fournir des infrastructures d’énergie renouvelable dans les pays en développement et ailleurs.
Selon l’IRENA, « Pour l’avenir, les décideurs politiques doivent démontrer un engagement politique à long terme et renforcer les partenariats avec le secteur privé afin de stimuler la confiance des investisseurs et attirer des capitaux privés supplémentaires dans le domaine. À cet effet, le rapport a formulé cinq recommandations spécifiques que les décideurs politiques devraient mettre en œuvre pour engager les acteurs du secteur privé, y compris les investisseurs institutionnels, les protagonistes du marché des capitaux et les entreprises non productrices d’énergie, dans la voie collective vers une relance verte et les objectifs climatiques. (12)
Voici ces recommandations spécifique, visant à mobiliser les investissements (13) :
- Mettre en place des politiques et des règlementations favorables
- Créer de nouvelles solutions pour les marchés financiers
- Soutenir le développement de nouveaux projets
- Renforcer les capacités internes
- Récolter les bénéfices
De nombreux projets sont présentés pour démontrer la réussite de la mise en œuvre :
Exemple : Fermes solaires de Kahone et Kaél au Sénégal
En conclusion, sur le volet financier :
Pour atteindre les objectifs climatiques, les investissements dans diverses technologies d’énergies renouvelables doivent presque tripler chaque année pour atteindre 800 milliards de dollars en 2050.
“Tripling Renewables Investment to Reach Climate Goal Tweet” (12)
L’investissement est-il sur la bonne voie ?
La captation des investissements est clairement un élément crucial pour atteindre les objectifs en matière d’énergies renouvelables. Une autre méthode consiste à détourner les investissements des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables. En examinant les données de 2018, les investissements dans les énergies renouvelables s’élevaient à 322 milliards de dollars, contre seulement 127 milliards de dollars pour la production de combustibles fossiles. L’espoir existe donc de voir l’accent être clairement mis sur les nouvelles énergies. Cependant, l’utilisation des combustibles fossiles continue d’injecter environ 933 milliards de dollars dans l’économie pour soutenir les infrastructures existantes : carburant dans le secteur des transports, les installations de pipelines et de production d’électricité traditionnelle (charbon, pétrole, gaz). Le tout additionné, l’ensemble de la planète « investit » encore massivement dans les combustibles fossiles pour environ 1 000 milliards de dollars chaque année.
AUTEUR : JULIEN ROUWENS, AVEC L’AIDE D’ADAM MACAREE.
SOURCES :
(1) : Seven of the Biggest Renewable Energy Projects… : https://www.fircroft.com/blogs/seven-of-the-biggest-renewable-energy-projects-in-the-world-92323134611
(2) : Major Solar Projects List: https://www.seia.org/research-resources/major-solar-projects-list
(3) : America’s Electricity Generating Capacity https://www.publicpower.org/resource/americas-electricity-generating-capacity
(4) : Explaining the plummeting cost of solar power https://news.mit.edu/2018/explaining-dropping-solar-cost-1120
(5) : Battery Costs in Stationary Energy Could Fall by up to 66 Percent https://www.renewable-energy-industry.com/news/world/article-5270-battery-costs-in-stationary-energy-could-fall-by-up-to-66-percent
(6) : ELECTRICITY STORAGE AND RENEWABLES: COSTS AND MARKETS TO 2030 https://www.irena.org/-/media/Files/IRENA/Agency/Publication/2017/Oct/IRENA_Electricity_Storage_Costs_2017_Summary.pdf?la=en&hash=2FDC44939920F8D2BA29CB762C607BC9E882D4E9
(7) : Victorian Big Battery | Securing Power for Victoria https://victorianbigbattery.com.au/
(8) : Green giants: the massive projects that could make Australia a clean energy superpower https://www.theguardian.com/environment/2020/nov/14/green-giants-the-massive-projects-that-could-make-australia-a-clean-energy-superpower
(9) : New solution for stabilising power grids: SPIE is installing an innovative new 380-kV shunt reactor for TransnetBW https://www.spie.com/en/new-solution-stabilising-power-grids-spie-installing-innovative-new-380-kv-shunt-reactor-transnetbw
(10) : Pension funds and corporates could save the world https://www.pv-magazine.com/2020/11/11/pension-funds-and-corporates-could-save-the-world/
(11) : Negative Interest Rates https://www.bloomberg.com/quicktake/negative-interest-rates
(12) : Tripling Renewables Investment to Reach Climate Goal Tweet https://www.irena.org/newsroom/pressreleases/2020/Nov/Tripling-Renewables-Investment-to-Reach-Climate-Goal
(13) : MOBILISING INSTITUTIONAL CAPITAL FOR RENEWABLE ENERGY https://www.irena.org/-/media/Files/IRENA/Agency/Publication/2020/Nov/IRENA_Mobilising_Institutional_Capital_2020.pdf?la=en&hash=DC9C2B87DBE05992267107FB512AC36D8005660A
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